« Chez Betty » : la pépite rousse de Romain Veilletet

Et si les rousses avaient des pouvoirs insoupçonnés ? Et si nos espaces familiers n’étaient plus aussi sûrs ? Dans Chez Betty, Romain Veilletet nous conte avec tendresse l’histoire hors-norme de Lucille,  une adolescente naïve, pétillante… et rousse ! Un roman jeunesse placé sous le signe de l’aventure et du fantastique qui, s’il nous divertit, pose aussi la question de la différence. Bienvenue dans le monde de celui qui fait de la rousseur un personnage à part entière…

L’histoire : Lucille a les cheveux roux, la marque du malheur selon ses parents qui n’hésitent pas à la confier à Betty, sa grand-mère berrichonne. Rousse également, celle-ci connaît mieux que quiconque les légendes du Berry, terre de mystères où les croyances créent les héroïnes. Mais un être puissant et maléfique rêve de propager la terreur dans le pays. Lucille, assistée d’animaux et autres surprenants alliés, devra surmonter ses peurs et affronter une puissance dangereuse, terrible et ténébreuse…

Romain, pourrais-tu nous parler de ton « univers » ?

Il se situe à la croisée du Club des Cinq d’Enid Blyton et des histoires de Roald Dahl. J’aime assez que le supposé faible ait la place centrale dans mes écrits. Je constate aussi que, dans la majorité des situations, mes héros sont des héroïnes. J’aime bien écrire « au féminin ».

L’héroïne est rousse tout comme sa grand-mère. Pourquoi ce choix ?

Je trouve la couleur rousse d’une sensualité et une singularité très particulière, une singularité propre à la rousseur, que ce soit chez les garçons ou les filles. Un côté fascinant et mystérieux. On devrait tous vouloir être roux !

« -Lucille, nous avons une belle surprise pour toi !
Le jour de mes douze ans, à l’instant où mes parents ont annoncé qu’ils avaient un merveilleux cadeau à m’offrir, je dois avouer avoir été très inquiète. (…) Il faut savoir que, d’ordinaire, ce qui fait office de cadeau pour célébrer mon année supplémentaire est une simple part de gâteau choisie avec le plus grand soin par ma mère dans la plus mauvaise pâtisserie de la ville. Cette si délicate attention n’est aucunement liée à de quelconques moyens financiers. J’en veux pour preuve la multitude de jouets et peluches jonchant le sol de la chambre de mes deux frères, des jumeaux aux têtes brunes nés il y a un mois, un 14 juillet au matin. Pour mes parents, ce fut réellement un jour de fête. L’arrivée des garçons marqua la fin définitive de leur déjà très faible intérêt à mon égard. (…) Pourquoi suis-je l’objet d’un tel mépris de leur part ? Pour deux raisons. Tout d’abord parce que je suis une fille dont la plupart des membres de la famille ne jure que par les garçons. Ensuite et surtout, parce que je suis…rousse ! »

L’héroïne est rejetée par ses parents à cause de sa rousseur. Pourquoi un tel point de départ ?

J’ai tout de suite voulu jouer, presque dans l’excès, des préjugés forcément grotesques qui existaient et existent encore sur les roux. Du coup, passer de l’émotion abominable du rejet des parents étroits d’esprit à l’affection d’une grand-mère m’est apparu intéressant pour lancer l’histoire. C’était, de mon point de vue, utile, car la relation de confiance entre la grand-mère et la petite fille est le socle de cette aventure. La vie de Lucille va changer à partir du moment où elle part vivre chez sa grand-mère Betty, et dans des proportions qu’elle n’aurait jamais pu imaginer auparavant.

Comment décrirais-tu cette jeune adolescente de 12 ans ?

Lucille me semble être une pré-ado comme les autres. Peut-être un peu naïve au départ. Elle aime aller vers les autres. Elle souffre du rejet de ses parents qu’elle ne comprend pas, mais ne peut pas y faire grand chose. Elle ne peut surtout pas s’expliquer en quoi sa si jolie couleur de cheveux peut être l’élément essentiel de se rejet. Paradoxalement, elle sera amener à le comprendre en vivant chez Betty. Elle va pleinement découvrir en quoi les préjugés, issus de croyances et légendes, peuvent être ancrés dans l’esprit des gens. Cette injustice va lui permettre de grandir également.

« – Dis-moi Lucille, les enfants que tu as vus avaient-ils un signe distinctif particulier ?
Je réfléchis quelques secondes avant de répondre :
– Oui, tous les enfants portaient la lettre C cousue ou imprimée sur leurs vêtements.
– Célestine! s’exclamèrent en cœur Clarence et Betty.
Betty m’embrassa sur le front alors que Clarence plongeait son regard dans le ciel sombre au-dessus du village. Ma grand-mère me prit par la main et me dit : Ma petite Lucille, il faut que tu m’écoutes très attentivement. Clarence et moi allons devoir nous absenter. Je vais te montrer un passage souterrain qui te mènera jusqu’à la maison de monsieur Noisette, de l’autre côté du jardin. Il te dira des choses que je te prie de croire. Fais-lui entièrement confiance. »

Tu n’es pas roux et pourtant tu dépeins avec talent ce que bon nombre d’enfants roux ont pu ressentir. Comment as-tu fait ?

Avec talent je ne sais pas ! Je pense que j’ai du sang roux ! J’étais beaucoup moins brun dans mes deux premières années. Les photos montrent un gamin à la chevelure châtain assez clair, voire roux. C’est après que ça s’est gâté, je suis passé de la couleur Weasley à la couleur Rogue…
Comment me suis-je glissé dans l’esprit de Lucille ? Peut-être ai-je en moi un brin de sensibilité féminine ! Le fait que le héros de l’histoire soit une enfant me paraissait davantage convenir à cette histoire-là. J’ai juste essayé d’imaginer ce que l’on pouvait ressentir quand on était montré du doigt à cause de sa rousseur, concept forcément encore plus douloureux et incompréhensible quand on est très jeune.

Le passionné d’écriture que tu es doit avoir plein de projets ?

Oui, j’ai récemment envoyé un manuscrit auprès de quelques maisons d’édition jeunesse. Il y a aussi un roux dans l’histoire, mais beaucoup moins jeune. J’aimerais également essayer d’écrire un conte musical…

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