ITW de Pascal Sacleux : une expo photo pour combattre le roucisme.

Du 1er mai au 15 juin prochain, le photographe Pascal Sacleux exposera des portraits de roux et de rousses dans le hall de l’aéroport de Rennes. Le dérapage d’une chroniqueuse sur France Info aura été le déclic de son combat artistique. Dire non au roucisme (racisme anti roux) et révéler toutes les différentes formes de beauté liées à cette couleur de cheveux, voilà son objectif. Son arme pour riposter : son appareil photo. Pas très malin de provoquer un photographe roux sur sa couleur de cheveux !

648x415_exposition-presentera-serie-portraits-30-personnes-roussesPascal, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Mon travail de photographe s’est toujours beaucoup articulé autour des cultures noires. J’ai fait l’école Louis Lumière en 1990 et depuis j’ai travaillé pour des agences de mannequins (Black Expérience), des magazines de musique, dans la publicité, j’ai photographié de grands noms (Nina Simone, Jimmy Cliff, Al Jarreau…) et réalisé environ 70 pochettes de disques… Mais le métier de photographe a beaucoup souffert de l’arrivée du numérique en 2004 et depuis je fais beaucoup de graphisme, de formation photo et bosse sur mes projets perso. En tout cas, j’ai depuis toujours été attiré par les minorités visibles.

Comment avez-vous vécu votre couleur de cheveux ?
Personnellement, je n’ai pas subi beaucoup de moqueries en tant que roux. Je suis né à Pantin, dans la banlieue Nord-Est de Paris. Ma grand-mère paternelle était rousse, mais 16976749_731735426990376_957243192_nmes parents ressemblent tous les deux à des mexicains. Il y avait beaucoup d’amour à la maison et je n’en ai jamais souffert. Une fois à 17 ans, lorsque je vivais dans le Val d’Oise, quelqu’un m’a dit : « les roux, c’est comme les noirs, quand il pleut ça sent le chien mouillé ». Quand je suis rentré chez moi, j’ai dit à ma mère que plus tard, je voulais épouser une femme noire ou une femme rousse, et j’ai épousé une femme noire. En 2005, j’ai même fait la rencontre (éphémère et magique) d’une femme noire et rousse, le rêve… À l’école, j’étais même plutôt populaire et apprécié de tous. Je n’ai jamais appartenu à un seul groupe, j’avais des potes un peu partout.

Avez-vous l’impression que le roucisme est plus violent envers les hommes ?
Je dirais plutôt que le roucisme est différent pour les hommes et pour les femmes. Beaucoup de femmes adorent les roux, souvent les femmes noires. Quant aux rousses, ce qui est compliqué c’est qu’elles subissent des moqueries en étant enfants, puis en grandissant deviennent vraiment très belles et suscitent le fantasme de beaucoup d’hommes. Pour ma part, je trouve qu’elles ressemblent à des fées. Qu’elles aient 14, 25 ou 40 ans, je les trouve super attirantes, spéciales, voire magiques. Je me souviens du témoignage d’une rousse qui me racontait qu’en grandissant, les personnes qui fantasmaient sur elle aujourd’hui étaient les mêmes que celles qui lui jetaient des pierres étant plus jeune, ce qui pour elle remettait en doute la sincérité des gens.

2Quel a été le déclencheur de votre combat artistique ?
C’était en avril 2014. J’écoutais France Info quand une journaliste que j’aimais beaucoup a dérapé. Au sujet de la mort du comédien Mickey Rooney, elle a prononcé ces mots : “Petit, rondouillard, rouquin, et pourtant il aura connu 8 mariages et non des moindres… ». Comment une journaliste professionnelle, sur une radio nationale française pouvait-elle se permettre d’entretenir le préjugé absurde que les roux sont forcément moches ? Sur quels critères cette journaliste décide-t-elle que l’on part avec un handicap dès lors qu’on est roux pour rencontrer l’amour ? J’étais vraiment fâché, déçu et triste.

Avez-vous essayé de la contacter ?
Oui, mais elle ne m’a pas répondu. Rien, aucun mot de sa part. J’en ai d’ailleurs profité pour lui préciser que j’étais rouquin moi aussi et que ça ne m’avait pas empêché de sortir avec de superbes femmes, dont des animatrices radios !
(rires)

Que s’est-il passé ensuite ?
Un an plus tard, un copain de Paris me présentait le fils d’amis à lui, le petit Gabriel. C’est là que je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire. C’était un petit bonhomme roux de 13 17036030_732368913593694_1410680778_oans aux yeux marron et aux cheveux frisés. On aurait dit moi. J’ai demandé à sa maman si je pouvais le prendre en photo et on a parlé de roussitude. Sa mère n’avait jamais abordé le sujet avec son fils.

Au fur et à mesure, j’ai commencé à interroger de plus en plus de roux et de rousses. Après deux, trois interviews j’en avais les larmes aux yeux. Un jeune garçon d’une vingtaine d’années rencontré à l’aéroport à qui j’ai donné ma carte a vidé son sac et pendant qu’il me parlait je me disais « c’est pas possible ». J’avais les trippes dehors. Plus j’avançais et plus les témoignages concordaient : le rejet, le passage horrible de l’adolescence. Des parents m’ont raconté qu’à la naissance de leur fils, la sage femme leur a dit qu’il était en bonne santé, qu’il était roux mais qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que tout se passerait bien. Hier encore, une dame me disait que lorsque son enfant était plus petit et qu’elle le promenait en poussette, des dames changeaient de trottoir en le voyant.

Comment avez-vous trouvé tous vos modèles ?
Ceux que j’avais déjà photographiés et dont j’avais parlé du projet en ont parlé autour d’eux et tout a fonctionné au bouche à oreille. J’ai été contacté de toute part. J’ai pu alors photographié deux jumelles, une rousse et sa sœur très brune, une fratrie dont les parents ne sont pas roux… En tout, j’en ai photographié 62, mais je vais demander à un ami qui est directeur artistique de sélectionner 30 tirages parce que moi je ne peux pas, je les aime tous. Par contre, il y aura une mosaïque avec tous les portraits. Je me suis dit que je continuerai de prendre des photos jusqu’à fin mars. J’ai envie de tous les rencontrer, de tous NOUS rencontrer.

1Quelles ont été les réactions des personnes que vous avez interrogées et photographiées ?
Il y avait plusieurs catégories. Les gens bien dans leurs os qui ont subi des moqueries surtout pendant l’adolescence mais qui se sont accommodé à l’âge adulte. Ceux qui ont vraiment morflé et qui sont aujourd’hui encore beaucoup atteints, pour qui leur couleur de cheveux a représenté un vrai obstacle dans leur vie sentimentale et professionnelle. Et ceux qui ont carrément refusé de me rencontrer, comme si le simple fait de leur rappeler leur couleur de cheveux était insupportable, comme s’il ne voulait plus jamais en entendre parler. J’ai senti que certains parents le vivaient presque comme une malédiction.

4Dans l’idéal qu’aimeriez-vous provoquer ou changer en faisant cette exposition ?
Quelque chose est déjà en train de se produire. Il y a déjà eu trois publications, dans Rennes Autrement, Démotivateur et le 20 minutes. Ça me fait super plaisir. Les gens m’encouragent et je ne reçois que des choses positives. Je pensais que ce genre de combat avait déjà été lancé depuis longtemps. Je voulais quelque chose d’esthétique, avec de beaux portraits. Je ne voulais surtout pas que ça ressemble à un catalogue de coiffures. Les roux ne sont pas que des cheveux. Ce sont des personnes avant tout, avec un regard, des éphélides… Ma démarche était de mettre en avant le fait que les roux sont beaux.

3 Si cette exposition fonctionne, avez-vous envie d’aller explorer d’autres régions que la Bretagne ?
Il n’y a aucune limite. J’ai déjà bien envie de faire voyager cette expo !

Comment peut-on vous aider à financer le projet ?
Cette exposition est à but non lucratif, mais les fonds serviront à financer les tirages. Vous pouvez contribuer sur la plateforme Bretonne Kengo : ici

Jusqu’à quand peut-on passer devant votre objectif ?
Jusque fin mars, début avril. N’hésitez pas à me contacter :

Un dernier mot ?
Red is power and love !

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